samedi 5 juin 2010

Éperon de la Brenva, mont Blanc

Éperon de la Brenva, numéro 56 parmi les 100 plus belles courses du massif du Mont-Blanc sélectionnées par Gaston Rébuffat. Enfant, adolescent, j'ai ouvert et rouvert ce livre aux pages consacrées à cette classique des classiques. En ce temps-là, j'ignorais qu'une telle voie, réservée aux bons alpinistes, pouvait être skiée. J'aurais été estomaqué d'apprendre que le Sud-Tyrolien Heini Holzer en avait fait la première descente en juin 1973. Comment pouvais-je imaginer que j'aurai un jour le privilège de poser mes spatules sur cet éperon légendaire ? À vrai dire, cela n'entrait pas dans notre projet ce 5 juin 2010. Le skieur américain Martin Saul et moi-même voulions parachever notre saison par une traversée est-ouest du mont Blanc : ascension par l’éperon de la Brenva et descente par le sauvage versant Miage. Un ambitieux voyage versant italien.
Accoudé au balcon du bivouac de la Fourche, j'assiste au crépuscule sur la Blanche et la Noire de Peuterey.
Cette nuit-là, nous quittons le bivouac de la Fourche assez tardivement, à 3h30, pour respecter le "temps de cuisson nécessaire" de la face ouest du mont Blanc. Vers 8h30, nous touchons les séracs qui barrent la sortie de l'éperon à 4400 mètres. Problème : il fait anormalement chaud ce matin (isotherme 0° à 4300 mètres), même les gants légers sont de trop. Orienté plein est, l'éperon de la Brenva prend le soleil dès 6 heures au mois de juin. La neige déjà ramollie nous empêche de traverser rapidement sous les énormes blocs de glace ruisselants. Il faut décider...
Progression sur l'éperon de la Brenva.
Derrière nous, l'éperon de la Brenva est vierge de trace. Nous optons pour ce plan B de luxe. Jouer à la roulette russe pour une hypothétique face ouest nous paraît stupide. L’éperon est délicieux à skier, un billard incliné à 45° en neige de printemps idéale. Du velours. Plus raide, la facette de sortie, dite variante Gussfeldt, présente une section de 30 mètres mal enneigée où il nous faut serrer nos virages pour ne pas déborder sur la glace affleurante.
Départ à ski vers 4400 mètres, entre les séracs et l'ultime îlot rocheux.
Meraviglioso sperone della Brenva ! Mamma mia !
Nous basculons côté gauche de l'éperon, dans la variante Gussfeldt.
Nous déchaussons pour remonter au col de la Fourche, quand nous apercevons deux skieurs au centre du système de séracs situé entre l’éperon de la Brenva et le Mur de la Côte. Ils zigzaguent parmi les immeubles de glace, évitant les impasses avec grande maîtrise. En moins de 30 minutes l’affaire est pliée. Pierre Tardivel, légende vivante du ski extrême, et son ami Eric Saint-Bonnet nous rejoignent au pied de la Fourche. Partis à ski du sommet du mont Blanc, ils viennent d’ouvrir une nouvelle ligne franchement exposée. Durant le retour à la pointe Helbronner nous prenons le temps de discuter et j’obtiens de Maître Tardivel, très accessible, de précieux conseils techniques que j'évoquerai peut-être dans un prochain billet.
Pierre Tardivel se détend après une nouvelle première.
De gauche à droite : Eric Saint-Bonnet, Martin Saul et Pierre Tardivel.
Un lien vers le reportage photos de Pierre Tardivel et Eric Saint-Bonnet concernant leur première du 5 juin 2010, la voie du Caribou.

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